Extraits de la 1ère conférence

 

la musique arabo-andalouse / la nouba gharîbat e l huseyn

7e nouba marocaine

Par Faouzi BENTARA

 

Table des matières :

Introduction

Aperçu historique et géographique

Les noubas du Maghreb

La nouba Gahribat el Huseyn

 

Origine probable du terme "andalou" < Vandale.

Selon qu'on est d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée, on va dire :

 

- Musique arabo-andalouse ( l'approche occidentale )

- Musique andalouse ( l'approche arabe ); car pour cette dernière, la musique andalouse ne peut être qu'arabe.

 

 

aperçu historique et géographique

 

Le berceau de la musique arabo-andalouse fut l'Espagne avec un règne arabe et berbère qui a duré 8 siècles. Le renouveau qu'a connu la musique arabe, on le doit entre autres à un homme qu'on cite souvent et qui s'appelle Ziryab ( 789-857 ). Il est venu s'installer à Cordoue en 822, après avoir rencontré des difficultés dans ses rapports avec son maître, Is-hâq El-Mawcilî à Bagdad. Ziryab fut encouragé par l'émir omeyyade Abderrahman II. (822-852) à Cordoue. Il fut un musicien complet et inventif : chanteur, compositeur: il s'est distingué en innovant dans de nombreux domaines culturels : la facture d'instruments ( par exemple, en allégeant le poids du luth, en lui ajoutant une 5e corde, appelée âme, en remplaçant le plectre en bois par un plectre en serre d'aigle, alors que les cordes étaient en soie et en boyaux de lionceau ), l 'enseignement de la musique, mais aussi la mode vestimentaire et l'art culinaire.

 

Les hauts lieux de la musique andalouse en Espagne étaient donc Cordoue ( avec Ziryab ) , Saragosse ( avec Ibn Bajja = Avempaee ), Murcie ( avec Ibn el Hasîb ) mais également Séville et Grenade.

 

Après le départ des Arabes d'Espagne ( 1492 ), le Maghreb a accueilli ces Andalous et des foyers culturels se sont formés au cours du temps.

C'est ainsi que la musique arabo-andalouse s'est perpétuée tout en s'imprégnant de spécificités socio-culturelles inhérentes à chaque région :

 

Au Maroc :

Les villes de traditions andalouses.

Oujda ( Gharnâtî < Grenade ) / Fès ( Valence ) / Tanger / Rabat ( Gharnâtî ) / Meknès / Tétouan

En Algérie :

Tlemcen ( Gharnâtî ) / Alger ( Cordoue ) / Constantine

En Tunisie :

Testour ( Séville ) / Bizerte / Tunis

 

LA NOUBA

 

Mise à part la terminologie, quiconque se penche sur la musique arabo-andalouse, constate qu'on est face à une structure complexe, dont les composantes ne peuvent être dissociées pour caractériser cette musique, ainsi en est-il de la poésie, de la mélodie, des rythmes etc. Tout ce que nous allons voir brièvement dans la deuxième partie de cette exposition.

 

Définitions :

 

- Anc. Fanfare des tirailleurs d'Afrique du Nord, avec fifres et tambourins indigènes

- Fg. pop. Faire la nouba, la noce. ( Hachette )

- -------------------

- Fam. faire la nouba : s'amuser, faire la fête. ( Larousse )

- -------------------

- Tour de chant;

- Séance réservée aux musiciens venant présenter leur répertoire devant le calife;

- Ensemble de pièces vocales et instrumentales en plusieurs mouvements, interprétés selon un ordre déterminé.

 

La nouba = la forme musicale sur laquelle repose la musique andalouse.

 

Christian Poché définit la nouba comme suit :

 

"…de nos jours, la nouba est une suite chantée et instrumentée de différents poèmes…, entrecoupés de pièces musicales instrumentales, libres ou mesurées. L'ensemble est précédé d'une ou deux introductions instrumentales.

La nouba est chantée à l'unisson par les instrumentistes en hétérophonie, c'est-à-dire, par enchevêtrement des voix, mais elle peut aussi, comme dans la tradition algéroise, être confiée à une voix de soliste…"

 

Les noubas du Maghreb

 

Au Maroc, il n'en reste que 11. / En Algérie, 12 complètes et 4 incomplètes. / En Tunisie, 13

 

TABLEAUX COMPARATIFS

LES NOUBAS DU MAGHREB*

MAROC

algérie

TUNISIE

-Raml el Mêyê

-Içbihên

-El Mêyê

-Raçd edh-dhîl

-Istihlel

-Raçd

-Gharîbat el Huseyn

-El Hijez el Kêbîr

-Hijez limcherqî

-'Irâq el Ajem

-'Uch-chêq

-Dhîl

-Mjenba

-Hsîn

-Raml el Mêya

-Raml

-Ghrîb

-Zeydên

-Raçd

-Mezmoûm

-Sîka

-Raçd edh-dhîl

-Mêya

 

-Dhîl

'-Irâq

-Sîkeh

-Hsîn

-Raçd

-Raml el Mêyê

-Nêwê

-Içbê'ayn

-Raçd edh-dhîl

-Raml

-Içbêhên

-Mezmoûm

-Mê-yê

 

11

12

13

*Remarques générales :

 

- Chaque nouba porte le nom de son mode principal.

- L'historiographie rapporte qu'à l'origine, il y aurait eu 24 noubas : une pour chaque heure de la journée. Jules Rouanet (1922) en a proposé la liste complète: nous relevons que la nouba Ghrîbat el Huseyn se situe à la 16e place, donc, à la 16e heure de la journée.

- Aujourd'hui, on constate que certaines ont disparu, d'autres ont été, soit intégrées – pour ce qu'il en reste – aux noubas dites "complètes", soit conservées telles quelles.

- Au Maroc, au tournant du XIXe siècle, c'est le poète Ibn al-Hayek qui a rassemblé le répertoire poétique des noubas. En Tunisie, le répertoire andalous, appelé "Maloûf" ( = traditionnel ), a été rassemblé et complété par le "Roi-poète", Mohammed Er-rachîd Bey (1756-1759), et son Vizir Mohammed LASRAM.

 

LES MOUVEMENTS DES NOUBAS DU MAGHREB

MAROC

algérie

TUNISIE

Préludes et interludes instrumentaux et vocaux

-Boughya

-Inchêd solo vocal

-Touchia

 

-

ad Lib.

ad Lib.

2/4

-Mchalya

-ou Touchia

-Istikhbâr

 

-Koursî

ad Lib.

2/4 – 5/8

ad Lib.

-Istiftêh

-Msadder

-Toûq

-Silsileh

 

-Touchia

 

ad Lib.

6/4

3/4

3/8

MOUVEMENTS / pièces vocales

1-Ba-sît

2-Qâ-im wê niçf

3-Btay-hî

4-Draj

5-Quddê-m

6/4 – 3/4

8/4 – 4/4

8/4 – 8/8

4/4 – 2/2

3/4 - 6/8

1-Msaddar

2-Btây-hî

3-Derdj

4-Niçrâf

5-Khlâç

4/4

4/4

4/4

5/8 ou 6/8

6/8 ou 3/8

1-Eb-yê-t

2-Btây-hîyê-t

3-Barâ-wil

4-Ed-râ-j

5-Khfê-yîf

6-Akhtê-m

4/4

4/4

2/4

6/4 – 3/8

6/4

6/8 – 3/8

Remarques générales :

 

- Le jeu instrumental ( Boughya, istikhbar, touchia, réponse instrumentale ) et vocal ( inchêd, istikhbâr ) apparaît également au début ou au sein de certains mouvements.

- Le tempo de la nouba évolue en général du lent au vif.

- Cependant, les mouvements de la nouba marocaine passent chacun par trois tempi = lent, intermédiaire et rapide ( Mouwassa', Mahzouz et Inçiraf ).

- Dans les noubas algériennes et tunisiennes, ce sont surtout les réponses instrumentales et les préludes aux chants qui par leur vivacité, rompent avec le tempo prévu pour chaque mouvement.

 

LA NOUBA GHARÎBAT EL HUSEYN

 

- La terminologie :

Gharîbê : étrangère / El Huseyn : nom propre; ce qui donne : "l'étrangère d'Huseyn".

- La légende :

On raconte qu'un sultan du nom d'Huseyn aurait appelé ce mode "gharîbat el Huseyn" par amour pour sa servante. On dit aussi que lorsque, le sultan l'a abandonnée, elle l'a pleuré avec ce mode et lorsqu'il l'a rapprochée de lui et qu'il l'a libérée, elle l'a chanté avec un nouveau mode, appelé "el Gharîba el Mouharrara = "l'étrangère libérée".

 

- Les 3 modes de la nouba gharîbat el Huseyn :

 

1) "Gharîbat el Huseyn" = mode principal*:

- La gamme = Do majeur

- Appartient à l'"Arbre des Modes" ( voir illustration ) : avec les modes Mechriqî et Hamdânî, il fait partie des trois modes issus du Mezmoum.

- Le mode "gharîbat el Huseyn" fait appel au for intérieur de l'individu, inspire le recueillement, régénère l'âme et la conscience; en même temps, il ravive la passion et le rêve.

 

2) "El gharîba el Muharrara :

- La gamme = Ré mineur

- Appartient à l' "Arbre des Modes" ( voir illustration ) : ce mode ne dérive d'aucun mode et aucun mode ne dérive de lui.

 

3) "Le mode Sîka" ( du persan : se-gâh = 3e degré )

- Gamme en Mi ( phrygien = ½ ton - 1 ton -1 ton - ½ ton -1 ton -1 ton)

-

répartition des modes par mouvement

Mouvements

Gharibat el Huseyn

El ghariba el Muharrara

Sîka

autres

Ba-sît

3

3

14

 

-

 

Qâ-im wê niçf

-

 

-

13

-

Btayhî

3

 

3

8

2

Draj

1

 

2

7

-

Quddêm

2

 

4

20

3

 

 

9

12

62

5

Remarque :

*Le mode principal ( Gharîbat el Huseyn ) n'est pas prédominant dans la nouba.

 

structure poétique

de la nouba gharîbat el huseyn

Le répertoire est constitué de trois types de poèmes :

i. Le mouwach-chah ( poème en classique )

ii. Le zajal ( un mouwach-chah renfermant des termes dialectaux )

iii. La barwala ( un poème en dialecte marocain )