Avicenne

nom d'origine : Ibn Sîna

( 980, Afshana = bourg persan près de Boukhara - dans l'actuel Ouzbékistan - / 1037 à Hamadhân en Iran )

aurait écrit 276 livres sur la médecine, les sciences naturelles, la philosophie, la musique, ...

Son Kanûn ( livres de médecine ) fut traduit en latin par Gérard de Crémone, entre

1150 et 1187 et il fut enseigné jusqu'au XVIIe siècle

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Extraits du livre

Avicenne ou la route d'Ispahan

par son disciple al-Juzjânî

traduit en français par Gilbert Sinoué / les éditions de la Seine / avec l'autorisation des éditions Denoël, 1989

 

- Ah…, soupira Abd Allah en rejetant la tête en arrière, combien le Prophète fut clairvoyant lorsqu'il dit :"Les peuples ont les gouvernants qu'ils méritent…" page 23

- Je ne sais pas pour toi, el-Birouni, mais je peux t'assurer que certains souverains, aussi généreux soient-ils, ne m'auront pas à leur service...! le fils de Sina ne courbera jamais l'échine devant un Ghaznawide.

- Tu connais le proverbe : "Baise la main que tu ne peux pas mordre". Évidemment tu es encore jeune pour accepter ces principes. ( Abou Bakr El-Masihi, médecin chrétien ). Avicenne : Je me demande si je saurais jamais. Page 57

- Décidément, nos dynasties sont aussi mouvantes que la courbe des dunes…page 73

- L'érudition d'un être se mesure parfois à l'ignorance des autres. Page 82

- Elle se laissa faire, rejetant la tête en arrière, s'entrouvrant à ses caresses comme la mer s'ouvre au fleuve. ( Sindja, fille du Sind = Inde ) Page97

- Que me reprochez-vous donc ? leur lança un jour le cheikh avec un réel agacement. Croyez-vous que la création soit toujours synonyme de sueur et de souffrance ? un mulet a-t-il plus de mérite qu'un pur-sang simplement parce qu'il peine dix fois plus à gravir une pente ? si tel est le cas, Allah m'est témoin, je ne revendiquerai jamais ce mérite-là !

- "Ali ne se tient pas sur un siège surélevé, mais sur un tapis; respectant l'usage qui veut qu'un enseignant ne s'élève pas au-dessus du cercle de ses auditeurs, seuls ses vêtements reflètent l'importance de sa fonction. Page 126

- Je vous propose un poème : L'Aferïne-na'ma. Son auteur, Abou Soukour de Balkh, est aujourd'hui disparu, mais je considère qu'il fut le véritable introducteur de la forme poétique, proprement persane, du quatrain. Page 108

- Allah seul décidera de mon sort. Voit-tu, el-Sohayli, j'ai commencé il y a peu la rédaction d'un traité sur le destin. Sois rassuré, je t'épargnerai les détails de son élaboration… autorise-moi cependant à te confier ma philosophie; et si ma démarche ne te paraît pas trop orgueilleuse, accepte mes propos comme autant de conseils : " devance le temps et juge toi-même de l'univers, qu'il te soit propice ou adverse, comme le ferait Dieu à l'égard de sa créature. " j'ai jugé : je ne me soumettrai pas à un Turc. Page 117

- Mais toi-même le laissais sous-entendre. Un savant a besoin d'avoir à sa disposition les moyens nécessaires de poursuivre ses recherches sous de hautes protections. Moi, vois-tu, je ne suis qu'un simple commerçant. Tu seras bien mieux protégé sous la coupole d'un sérail. Ali fit une brusque volte-face. : - Le sérail ! ouvre donc les yeux, mon frère. Les artistes, les savants, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, ne sont rien que des leviers dont usent les grands qui nous gouvernent pour s'élever au-dessus de la fange ! une fois leur but atteint, ils s'empressent de nous abandonner, ou alors ils nous tuent. Nous sommes la bonne conscience des princes, el-Chirazi. Page 158

- Quoi qu'il arrive n'oublie jamais ceci : notre existence s'écoule en quelques jours. Elle passe comme le vent du désert. Aussi, tant qu'il te restera un souffle de vie, il y a deux jours dont il ne faudra jamais t'inquiéter : le jour qui n'est pas venu, et celui qui est passé…page 158

- Sayyeda ( reine de Raiy ), c'est pour le péché que le pardon existe. Page161

- Sayyeda, ta générosité est grande. Que le Clément te la rende au centuple. La reine haussa les épaules.

- Sayyeda : La générosité se mesure à la difficulté que l'on rencontre à donner. Mon royaume est riche. Page163

- Écoute-moi. Si une chose te paraît inaccessible, n'en déduis pas qu'elle est inaccessible aux autres hommes. Et si cette même chose est inaccessible aux autres, convainc-toi qu'elle t'est réalisable. Page 168

- Et Ali de conclure d'une voix passionnée : il y a plusieurs siècle, sur une île de Grèce, un homme nous a laissé un message fondamental. À vous qui demain professerez ce métier unique, où que vous portent vos pas, du Kirman aux portes de Cordoue, gardez ces mots en mémoire ils sont sacrés :

" Je promets et je jure au nom de l'être suprême d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent, et n'exigerai jamais un au-dessus de mon travail. Admis à l'intérieur des maisons mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe; ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime. Respectueux et reconnaissant envers mes maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leurs pères. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ! que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j'y manque."

( le traducteur : cet acte de foi rapporté ce jour-là par Ibn Sina n'est autre que ce que les générations futures appelleront

le serment d'Hippocrate". ) page 174

- J'ai parfois l'impression que l'existence n'est rien d'autre qu'un immense labyrinthe où nous ne serions que des images qui errent…page 178

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- Un homme qui promet…, fit-elle désabusée (Yasmina) Les promesses d'hommes sont pareilles aux vagues de la mer : elles meurent aussi vite qu'elles naissent. Page 185

- Ce qui est imparfait chez toi, Ibn Sina, c'est ta crainte de l'amour…

Il ne put s'empêcher de sourire.

          - c'est bien. Alors dis-moi ce qu'est l'amour ?

                    - Le don de soi. Le sacrifice. Le pardon.

                    Sans se départir de son sourire, il contempla d'un air distrait les grains de sable qui

                    filaient entre ses doigts.

          - Pardonne-moi. Mais je crois que tu fais erreur. Ou alors tu dois vivre dans le monde

                    des rêves. Je vais te dire ce qu'est l'amour.

                    Il se tourna vers elle et elle crut sentir ses yeux qui plongeaient au-dedans de son âme.

          - Lorsque nous disons que nous aimons, qu'est-ce que cela veut dire ? simplement que

                    nous possédons. Puisque dès l'instant que nous perdons la personne aimée nous nous

                    sentons perdus, vides de tout. En réalité, en disant que nous aimons, nous ne faisons

                    que légaliser un sentiment de possession.

                    - Même lorsque nous pardonnons à un être qui nous fait mal, qui nous trahit ?

                    - Même là. Que faisons-nous ? On lui veut, on s'en souvient. Et finalement nous

                    sommes amenés à prononcer la phrase sacrée :" Je te pardonne " Qu'est-ce que cela

                    révèle ? Rien. Rien d'autre si ce n'est que nous demeurons toujours et encore le

                    personnage central, que c'est "moi" qui assume l'importance, puisque c'est encore "moi" qui

pardonne…tu as peut-être raison Yasmina. Je crains l'amour. Il n'est fondé que sur l'attirance des corps, sur l'idée de possession, la jalousie, la méfiance et la peur. C'est terrible d'avoir peur. C'est comme mourir. Certes, nous croyons aimer. Mais en vérité, nous n'aimons que nous. Et comme je te le disais, je me trouve imparfait. Peut-on aimer ce qui est imparfait ?

                    Yasmina leva les bras au ciel dans un geste fataliste.

          - Cheikh el-raïs, ta rhétorique me dépasse. Je ne suis qu'une simple mortelle. Je te parle de cœur,

Tu me parles d'algèbre et de choses qui me dépassent…soit, puisque tel est ton désir, tu partiras

Sans moi vers la province du Sud. Page 216

 

- Il existe une substance…une substance poudreuse que l'on tire de l'écorce d'un arbre, et qui a la faculté de faire retrouver à celui qui l'absorbe la virilité de ses vingt ans.

Note de Jozjani : j'avoue un soir de curiosité en avoir absorbé. Le résultat ne fut pas particulièrement troublant. Devant ma déception le cheikh me fit cette réponse énigmatique : "à cheval docile et obéissant, nul besoin de cravache…"

Note du traducteur : Cette substance est en fait un alcaloïde du Pausinystalia Yohimba, un arbre qui croît au Cameroun et au Congo. Depuis des temps immémoriaux on l'emploie en Afrique équatoriale comme stimulant nerveux capable de retarder le sommeil, et surtout comme aphrodisiaque. Pour le lecteur ( motivé par la curiosité scientifique bien sûr…), nous précisons que cet alcaloïde est toujours en vente dans les pharmacies sous le nom de yohimbine. Page 233

- Excellence, prends garde de ne jamais idéaliser un homme. La déception ne peut être que plus cruelle. Page 260

- Le peu d'expérience que je possède m'a enseigné qu'il existe deux sortes de vizirs : ceux qui avancent dans les pas de leur prince, et ceux qui tentent de le faire trébucher. Je suis incapable d'être l'un ou l'autre. Page 261

- Connais-tu le dicton des gens de Khorasan ?

Avant qu'elle ait eu le temps de répondre, il expliqua :

- Un bol renversé ne se remplit jamais. Si tu persistes à vivre en tournant le dos à la réalité, le

                    bonheur et le malheur glisseront sur ton cœur comme l'eau du torrent sur les galets. Or l'homme

                    a besoin du bonheur et du malheur pour marcher en équilibre. Et l'être le plus fort, fût-il

                    l'invincible Roustam, a besoin de se confier un jour. Alors…parle-moi. Voici trop longtemps que

                    tu cherches à me cacher les secrets de ta vie. Page 266

 

Extraits du Poème de la médecine écrit par Cheikh el-Raïs ( Avicenne ) :

 

Mouvement et repos

 

1. Parmi les exercices physiques il en est de modéré : c'est à eux qu'il faut se livrer.

2. Ils équilibrent le corps, en expulsant les résidus et les impuretés.

3. Ils sont facteurs de bonne nutrition pour les adultes, et d'heureuse croissance pour les jeunes.

4. L'exercice immodéré est un surmenage, il altère les forces de l'âme et conduit à la lassitude.

5. L'exercice immodéré consume la chaleur naturelle, vide le corps de son humidité.

6. Il affaiblit les nerfs par la violence de la douleur et fait que le corps se décrépit avant l'âge.

7. Pas d'illusion sur le repos prolongé : dans son excès aucun avantage.

8. Le repos prolongé emplit le corps d'humeurs nuisibles et ne le met pas en état de profiter de sa nourriture.

 

Évacuation et engorgement

 

1. Le corps a besoin d'évacuation pour tous ses organes et pour le cerveau.

2. La saignée et les drogues prises au printemps sont très utiles aux hommes.

3. Gargarise-toi et cure tes dents pour tenir nets ta dentition et ton palais.

4. Provoque les urines, sinon crains l'hydropisie.

5. Emploie le purgatif, grâce à lui tu éviteras les coliques.

6. Fais usage des bains pour emporter les impuretés. Ne sois pas fainéant.

7. Fait usage des bains pour sortir les résidus des pores et débarrasser le corps de ses malpropretés.

8. Lâche la bride aux jeunes pour les rapports sexuels: par eux ils éviteront des maux pernicieux.

9. Par contre interdits-les aux débiles, aux vieillards et aux affaiblis.

10. Promets la goutte et les douleurs à qui copule après le repos.

11. L'abus des rapports débilite le corps et donne en héritage toute espèce de maux. Pages 272-273

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- Chams el-Dawlal leva les yeux au ciel, dépité,

- Tu as la mémoire courte, fils de Sina. N'as-tu pas oublié un décret abrogeant les privilèges de

l'armée ?

- C'est donc ça.

- Qu'espérais-tu ? lança Taj el-Molk avec hargne. On ne retire pas le pain de la bouche de celui

qui a commencé à le mâcher. Page 281

- Si je ne t'estimais pas, je te répondrais : rien n'impose au sot comme le silence; en lui répondant on l'enhardit ! page 286